Dessins humoristiques et science des races dans les carnets de l’historien
article by Ricardo Roque
Depuis des années, je mène des recherches sur l’histoire de la science des races et des collections scientifiques de restes humains ; j’ai signé de nombreuses publications sur le sujet. Dans l’ombre de mes travaux académiques, je m’adonne par ailleurs à une activité plus spontanée et plus modeste : le dessin humoristique. Je dessine des officiers coloniaux qui collectent des crânes, des adeptes du racialisme mesurant des crânes, des crânes qui prennent vie et deviennent personnages. Ces croquis sont de drôles de créatures, qui évoluent entre réalité et fiction, observation et imagination, fantasme et documentation, représentation et critique, caricature, satire. Longtemps, j’ai gardé secrète cette pratique, comme si elle n’avait rien à voir avec mes travaux d’historien et d’ethnographe. Dans cet article, j’envisage pour la première fois ces deux activités comme connexes. Je me demande notamment quelle est la signification et quels sont les effets de la bande dessinée intégrée aux carnets de l’historien ; comment ces vignettes associent l’imagination créative et le travail de terrain archivistique ; comment, enfin, le dessin satirique peut nous aider à affronter le passé colonial et raciste de la science, des musées et des collections.
Years ago, I started research on the history of anthropology and scientific collections of human remains. I have since published considerably on this topic. Yet, in the shadow of my research and writing, I devote myself to a spontaneous and modest undertaking: cartoon drawings. Colonial officers collecting skulls; racial scientists measuring crania; crania themselves taking life and agency. These sketches are strange creatures: in-between fact and fiction; observation and imagination; fantasy and fact; representation and criticism, caricature, mockery. For long I have kept this activity hidden, as if separate from my historical and ethnographic work on race science and collections. In this essay, I begin to consider these two activities together. I ask what comic drawings in the historian’s notebook might mean and what they might do; how they connect creative imagination and archival work; how, in the end, the making of historiographic cartoons might help us to cope with the colonial and racial pasts of collections of human remains.
Ricardo Roque, 2025, Dessins humoristiques et science des races dans les carnets de l’historien, Gradhiva, Vol. 39, pp. 78-95. DOI: 10.4000/148ll. http://hdl.handle.net/10400.5/102102